Le passage de l’état ordinaire des choses à l’état d’urgence s’est fait « à côté » du droit. La meilleure preuve en est le vote de la loi d’urgence sanitaire le 23 mars 2020 pour valider rétroactivement les décisions prises depuis le 12 mars et fonder légalement celles à venir. Sans doute, le Président et le premier ministre s’appuient sur les avis d’un comité de scientifiques. Mais ce comité n’avait aucune base légale alors que des comités scientifiques légalement constitués existaient : Santé Publique France, la Haute Autorité de Santé, le Haut conseil de la santé publique, …
Au demeurant, cette loi soulève trois questions constitutionnelles. La première est celle de la durée de mise à l’écart du Parlement ; la deuxième est l’étendue des compétences transférées à l’Exécutif : exercice des libertés, enseignement, régime de propriété, procédure pénale, droit du travail, régime électoral, c’est tout le domaine législatif posé à l’article 34 de la constitution qui est « donné » au premier ministre ; la troisième question est celle de la place extra-ordinaire accordée au comité de scientifiques : alors que les mesures prises et à prendre sont de nature à porter atteinte aux libertés, il aurait été logique de prévoir la consultation préalable du Conseil constitutionnel (comme le prévoit le pourtant très critiqué article 16 !) ou de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme, institution créée en 1947 à l’initiative de René Cassin et placée auprès du premier ministre. […]